Parfois, je me demande pourquoi quelqu’un peut vouloir sortir de sa zone de confort, gravir des sommets, combattre les vents froids et marcher sur des jours et des kilomètres alors que d'autres s'épanouissent dans la simplicité de leur vie. Pour moi, la réponse à tout ça est simple, c’est le fait de se sentir vivant plus que jamais. Ma soif d’aventure a commencé lorsque j’étais tout jeune alors que j’accompagnais ma sœur à ses cours de parachute. Je la regardais avec des étoiles dans les yeux parce qu’elle était ma plus grande source d’inspiration. De fil en aiguille, elle m’a transmis sa passion pour le dépassement de soi, de nos propres limites mentales et physiques et de viser toujours plus haut. C’est alors qu’à l’âge de 20 ans, en 2022, après 3 ans de pandémie, à la soif d’adrénaline plus que jamais, j’ai pris la décision de partir en expédition et d’aller monter le plus haut sommet d’Afrique, le Kilimandjaro.

Arusha à Dar Es-Salaam
Tout a commencé au début août, lorsque j’ai appelé deux de mes amis avec qui je voyage occasionnellement pour leur présenter le projet. Après seulement quelques minutes au téléphone, ils ont répondu qu’ils étaient partants sans aucune hésitation. Notre équipe était ainsi formée de Charles, un triathlonien et entrepreneur passionné, Jules, un alpiniste né en France qui a éventuellement déménagé à Montréal ainsi que moi, Benjy, entrepreneur et cinéaste. Trois jeunes hommes qui adorent repousser leurs limites. C’est alors qu’avec presque aucune information ni date de départ, je commençai à m’entrainer intensément et magasiner les bons vêtements pour mon ascension tel que des morceaux de la marque Arc’teryx, une entreprise canadienne reconnue pour la qualité de leurs produits spécialisés dans les ascensions de ce genre. Et croyez-le ou non, un mois plus tard, je me retrouvai dans l’avion en direction de la capitale de la Tanzanie, Dar Es-Salaam. En arrivant là-bas, nous nous sentions vraiment loin de la maison, je m’en souviens parce que les gars n’arrêtaient pas de dire “là on est loin de chez nous” et ce n’était pas pour rien qu’il disait ça. On se faisait regarder et fixer par les Tanzaniens comme s’ils n’avaient jamais vu de blanc. Un peu plus tard, le chauffeur de taxi nous a expliqué qu’un blanc dans leur pays signifie la richesse et la Tanzanie est l’un des pays les plus pauvres du monde, chose que je ne savais pas. Puis, après une bonne nuit de sommeil à l’hôtel, nous prenions l’autobus de la ville à 4h30 du matin vers la ville d’Arusha, là où se trouve le Kilimandjaro. Avec plus de 11 heures de route à faire, j’en profitai pour socialiser avec les locaux, l’un d’entre eux étudiait pour devenir médecin et il n’avait pas vu sa famille depuis un an. En regardant par la fenêtre, je pouvais voir des femmes transporter des paniers remplis de marchandise sur leurs têtes, ainsi que des hommes et des enfants marcher pieds nus a demandé de l’argent dès qu’ils apercevaient l’autobus. À vrai dire, cette longue route en autobus m’a permis de réaliser la chance que nous avons d’être nés dans un pays développé et d’apprécier chaque moment un peu plus fort. Le même choc m’était arrivé au Pérou, lors d’un voyage humanitaire alors que je n’avais que 15 ans. À mi-chemin, nous nous arrêtions pour manger dans un marché, il était temps, parce que nous avions vraiment faim. Ce que nous ne savions pas, c’est que la majorité des commerces n’ont pas de machines à paiement par carte, car c’est trop couteux et comme nous venions d’arriver en Tanzanie, nous n’avions aucune monnaie sur nous. Vous pourrez comprendre que nous n’avons donc pas mangé et que nous étions impatients d’arriver à destination avec plus de 5 heures de route à faire. Arrivé à Arusha, il y avait au moins 30 chauffeurs de taxi qui criait pour nous offrir de nous emmener à notre hôtel, serré entre ces chauffeurs tentant de sortir nos valises de la soute de l’autobus, Charles me fit un geste de la main me signifiant qu’il avait trouvé un chauffeur prêt à nous emmener. Un jeune homme sympathique et amical qui nous fit découvrir de la musique locale tout au long de la route. Après avoir danser et chercher notre lieu d’hébergement, nous arrivions finalement à destination, un hôtel non dispendieux que nous avions réservé sur la route de Dar Es-Salaam à Arusha, car nous avions oublié de le faire.
Préparation
Le 18 août 2022, c’est la date que nous sommes arrivés à Arusha et notre ascension commençait officiellement le 21 août. Pendant ces trois jours, nous en profitons pour préparer l’équipement cinématographique, visiter une chute d’eau avec un chauffeur de taxi et essayer nos vêtements Arc’teryx que nous avions si hâte de tester tous ensemble. Puis, le 20 août, la veille de notre rencontre avec les guides de notre expédition, nous avons rencontré Tom, un jeune entrepreneur né en Grèce, passionné par les voyages et les aventures, comme nous. C’est son entreprise qui était responsable de notre expédition sur le Kilimandjaro. Cette soirée-là, il nous a emmenés manger dans un café puis voir le coucher de soleil sur le toit d’un édifice de 30 étages abandonné au cœur de la ville d’Arusha, une soirée mémorable qui restera en mémoire pour de nombreuses années. Plus tard dans la soirée, Tom nous raconta son histoire et quelques anecdotes qui lui étaient arrivées en Tanzanie depuis son arrivée il y a déjà quelques années, comme la fois où il s’était fait arrêté par la police pour aucune raison pour lui demander de l’argent. La Tanzanie, un pays pas comme les autres. Le lendemain, nous nous rendions à un autre hôtel, cette fois-ci un peu plus chic, afin de rencontrer l’équipe composée de guides et de porteurs qui allait être à nos côtés pour les 10 prochains jours. Nous rencontrons d’ailleurs Marc et Dylan, 2 grimpeurs du Colorado qui venaient tout juste de descendre la montagne. Fatigué et le visage sec dû à l’altitude, ils nous expliquèrent que cette expédition est probablement la chose la plus difficile qu’ils ont faite, mais la plus belle expérience de leur vie. Un peu plus tard dans la journée, nous avons fait la rencontre des autres membres de notre groupe ; des femmes, des hommes, des plus vieux et des plus jeunes, des gens pleins de sagesse et de vécu avec qui l’on peut discuter sans cesse pendant des heures de tout et de rien. À 15h, c’est la rencontre officielle pour vérifier notre équipement, charger nos innombrables batteries de caméras et nous expliquer le plan de match des dix prochains jours. En résumé, s’hydrater constamment, marcher lentement et bien manger. Ils nous ont d’ailleurs montré la route que nous allions prendre, nommée la Western-Breach, en hommage à celui qui l’avait découverte. Un homme passionné du plein air, décédé sur le mont Everest, il y a de cela quelques années. Nous passions le reste de l’après-midi à nous baigner, à discuter et à nous entraîner une toute dernière fois. C’est seulement après avoir fini de préparer nos sacs ainsi que notre équipement vidéo que nous allions dormir, excités de commencer cette aventure, dès le lendemain matin dans le lobby de l’hôtel. Réveillé plus tôt que jamais, j’enfilai ma veste à capuche Atom ainsi que mes pantalons Gamma Arc’teryx, prêt à affronter cette première journée d’ascension. En direction de la montagne à bord de l’autobus, nous apercevions des zèbres galopant au loin ainsi que des girafes. Ceux-ci ont fait tourner presque toutes les têtes de l’équipage, car la plupart des gens, incluant moi, n’avaient jamais vu ces animaux auparavant. Puis après 5 heures de route, nous sommes arrivés au bas de la montagne, à 1800m d’altitude, puis nous avions traversé les portes officielles du mont Kilimandjaro. À partir de là, il n’y avait plus de retour en arrière possible et l’aventure était officiellement commencée.

Jour 1 (Big Tree Camp)
Cette première journée se déroula dans la partie de la montagne surnommée la forêt tropicale où le climat est humide et où l'on peut y trouver de grands arbres, des singes et d’autres espèces de la faune de la région. Jeunes et motivés à fond, nous nous sommes mis à marcher de plus en plus vite ainsi qu’à dépasser notre groupe. Quelques minutes plus tard, un des guides nommé Efatha, un guerrier Massaï né au bas de la montagne, nous à rattraper pour nous mentionner l’importance de garder un rythme ‘Pole Pole’ ce qui veut dire, lentement, lentement en Swahili, la langue officielle de la Tanzanie.

Il nous expliqua que garder un rythme lent nous permettra de continuer lorsque nous serons à plus haute altitude, là où il y aura beaucoup moins d’oxygène, en utilisant moins d’énergie. Émerveillé par la beauté de cette forêt au vert éclatant, je me surpris aussitôt à vivre dans l’instant présent, à ne penser ni à mon souffle ni aux prochains jours de ce défi, mais plutôt à prendre plaisir de marcher au travers d’une nature abondante de vie aux ressources presque infinie. Puis, approximativement 2 heures plus tard, nous sommes arrivés au camp 1, nommé “Big Tree Camp”. Rejoignant mes deux compagnons, Jules et Charles devant une affiche où nous pouvions voir le trajet des prochains jours, nous étions grandement étonnés de voir que tout le camp était déjà monté, que nos sacs de couchage étaient installés dans nos tentes et que la nourriture était servie. À ce moment-là, nous étions en questionnement ; comment est-ce que ces porteurs qui montent la montagne quasi-pieds-nu arrivent à être plus rapide que nous ? Ce fut le sujet de discussion de la soirée alentour de la soupe chaude, en écoutant les sons de la jungle.

Jour 2 (Shira 1)
Le lendemain matin, réveillé par l’un des guides de notre groupe avec un thé servi directement à la tente, j’aperçus plus de 50 personnes sur notre camp. Grandement étonné de voir autant de gens, car notre groupe de grimpeur n’était composé que de 11 personnes, je demandai à Hosea, le guide en chef de notre expédition, qui ils étaient. Il m’expliqua que pour un groupe comme le nôtre, plus de 50 porteurs étaient requis afin de monter tout l’équipement nécessaire tels que la nourriture, les sacs de couchage, l’équipement médical et l’eau afin de se rendre au sommet sans retourner au bas de la montagne pour en emmener plus. Il me raconta également qu’une fois, ils avaient manqué de nourriture après 3 jours et qu’ils avaient dû envoyer un des porteurs au bas de la montagne pour faire des provisions. C’est alors qu’après un bon déjeuner et avoir remplis nos bouteilles d’eau, nous avons commencé notre marche en direction du Camp 2 nommé “Shira 1”. Au fur et à mesure que l’on marchait, plus la taille des arbres diminuait et plus l'air devenait froid. À mi-chemin, nous nous sommes arrêtés pour dîner en haut d’une colline.
À ce moment-là, nous avions une vue 360 sur tout le paysage. Nous pouvions voir au loin, les arbres, ainsi que la longue route que nous venions de faire et les nuages que nous étions sur le point de dépasser. C’était complètement magique de voir un tel paysage, loin de toute civilisation et se sentir complètement zen. Je comprends aujourd’hui ceux et celles qui montent de grosses montagnes régulièrement, c’est quelque chose qui est selon moi, à expérimenter au moins une fois dans sa vie. Puis, nous continuions notre chemin, le ventre un peu trop plein, ce qui m’a donné quelques crampes plus tard dans la journée alors que les pentes se faisaient beaucoup plus raides que la journée précédente. Après quelques heures, nous sommes arrivées au camp Shira 1 et dès la tombée de la nuit, le changement de température fut drastique, j’ai donc dû enfiler une deuxième couche, sois ma Veste Alpha AR de chez Arc’teryx, je me suis senti aussitôt réchauffé, ce qui m’a permis de continuer de filmer toute la soirée au son des criquets et des aigles survolent le camp.

Cette nuit-là, nous avons dû dormir avec toutes nos batteries de caméra entre nos jambes, emmitoufler dans le sac de couchage pour qu’elles restent au chaud. C’était très inconfortable dû aux nombres de batteries que nous avions et je commençais à me douter qu’elles allaient tenir le coup jusqu’au sommet, car plus on monte, plus il fait froid…
Jour 3 (Moir Camp)
Dès le matin nous étions congelés, moi qui croyais que les nuits n’allaient pas être si froide puisque nous n’étions qu’au Camp 2, je m’étais bel et bien trompé. Le sol de terre dur comme de la roche et les yeux encore à moitié ouverts, je pris mon café et m’en allai plus loin pour avoir une vue sur le camp en même temps de prendre quelques images, le paysage devant moi était digne de ce que l’on voit dans les films de montagne, c’était surréel de voir ça en personne. Puis peu à peu, les guides et les porteurs sortirent de leurs tentes à leur tour, mirent l’équipement sur leur dos et partirent vers le troisième camp nommé “ Moir Camp”. La journée se passa comme prévu et comme à l’habitude, nous nous sommes arrêtés à mi-chemin pour manger au milieu des montagnes et où le climat était devenu sec. En après-midi, je me suis mis à être fatigué, à avoir mal aux membres de mon corps et à perdre le rythme rapide que j’avais su garder depuis le premier jour. Orgueilleux, je mis mon capuchon sur ma tête et je continuai ma marche vers le camp. À l'arrivée, je remercie mon porteur, un jeune d'environ 19 ans qui, comme les autres, monte la montagne plus de 50 fois par année. Je mis mon sac au sol, ma caméra, enleva mes souliers et me précipita dans mon sac de couchage pour m’y réchauffer. Ça y est, je faisais de la fièvre et je comprenais finalement pourquoi il fallait garder un rythme “Pole Pole”. Charles qui arriva dans la tente quelques minutes plus tard me demanda si tout allait bien, me connaissant, il savait très bien que je n’allais pas lui dire que je me sentais faible, je lui fis alors signe de ne pas propager l’information par peur de ne pas me rendre au sommet. Emmitouflé dans mes vêtements Arc’teryx dans mon sac de couchage, je pouvais entendre les cris de joie et les rires des autres grimpeurs. À ce moment-là, je me suis mis à douter, m’étais-je assez entraîné ? Pourquoi suis-je le seul dans cet état ? Un peu plus tard, Hosea qui était déjà devenu l’un de mes amis est venu me voir, car il ne m'avait pas vu de l’après-midi, je lui fis signe que j’étais simplement fatigué et que je me reposais, ce qui était complètement faux. La sueur coulait sur mon front, les frissons dans le dos, je me demandais vraiment comment j’allais réussir pour passer au travers des 4 prochains jours.

Day 4 (Lava Tower)
Il était encore nuit, 4 ou 5 heures du matin je crois, j’étais par miracle en pleine forme et je n’avais plus aucun symptôme. Je pris donc ma caméra et m’en alla au loin filmer les oiseaux au sol avec le camp en arrière-plan, c’était devenu mon petit rituel matinal et cela me permettait de prendre du temps pour moi, car dans les journées, moi et les garçons étions toujours ensemble à parler et le soir, Charles et moi dormions ensemble dans la tente. Plus l’on montait, plus les camps devenaient beaux et chacun d’entre eux était unique avec un paysage différent. Les gens avec qui l’on montait la montagne avaient tous le sourire aux lèvres, chaque matin et chaque soir. Tout le monde avait la même passion pour la montagne, comme Ryan et Sarah, deux des 11 personnes de mon groupe, il venait des États-Unis. Un autre se nommait Vince, un militaire retraité qui me racontait son histoire fortement inspirante et avec qui j’ai développé une amitié le temps de ce périple.
Dans la tente lors du déjeuner, il me disait qu’il ne savait pas s’il allait réussir à se rendre au sommet, que son corps allait peut-être être trop fatigué et qu’être sur la montagne pour lui était déjà un exploit en soi. C’est avec confiance que je lui dis que s’il voulait vraiment le faire, il pouvait et que tous les 11 membres du groupe allaient se rendre au sommet sans exception, moi qui la veille, doutais également fort de mes compétences. Puis, nous nous sommes rendus vers le prochain camp nommé “Lava Tower”, en français, tour de lave.
À ce point, il n’y avait plus aucun arbre et toute forme de vie végétale avait presque entièrement disparu du paysage. Dans la journée, avec le rythme que nous avions, je devais alterner entre ma veste et mon manteau Arc’teryx, car le soleil était puissant et lors des pauses pour prendre des gorgées d’eau, le vent était froid. Au loin, je pouvais apercevoir une grosse tour de lave, j’ai alors compris qu’on arrivait bientôt au quatrième camp du Kilimandjaro, qui portait d'ailleurs bien son nom. À ma sortie de la tente ronde, là où l’on soupait, je pus apercevoir les nuages orangés à l’horizon, dû à la réflexion du magnifique coucher de soleil, qui était quelques milliers de mètres plus bas que notre camp. J’invitai donc mes amis à me rejoindre sur un gros rocher, afin d’admirer cette vue que je me rappellerai toute ma vie, car nous avons passé une heure à crier comme des fous jusqu’au crépuscule.
Je crois que nous avions bien fait rire les porteurs et les guides qui nous regardaient au loin, mais pour nous, cette vue magique signifiait que nous étions arrivés à mi-chemin de notre parcours et que 3 jours plus tard, nous nous retrouverions sur le sommet de la plus haute montagne d’Afrique.

Jour 5 (Acclimatation)
Cela faisait maintenant 5 jours que nous étions sur la montagne et cette journée était dédiée à l’acclimatation de l’altitude qui consistait à monter au prochain camp nommé Arrow Glacier puis redescendre au camp Lava Tower, le tout devait prendre environ une heure. Vers 10h, alors que nous marchions vers le prochain camp, je remarquai que l’altitude commençait à se faire fortement ressentir, mon rythme ralentissait et mes respirations étaient plus rapides. Dès notre arrivée à la pancarte de ce camp, il neigeait et un peu plus loin, plus haut, dans le brouillard, je pouvais apercevoir une pente très abrupte. Shedrack, l’un des guides, me mentionna que c’était le début du chemin de l’ascension finale, la plus longue journée de notre ascension pour un total de 12h de marche sans arrêt, c’est ce qui nous attendait 2 jours plus tard.

Puis, nous sommes descendus en courant au milieu des roches, excitées à l’idée d’être au sommet dans peu de jours. Au milieu de la nuit, je me suis mis à avoir envie comme jamais. Terrifié à l’idée de sortir, au froid, je mis mes bottes et ouvris la porte de la tente. Une fois sorti, je levai la tête et figea, je n’avais jamais rien vu de tel à l'œil nu, un ciel de millions d’étoiles ou l’on pouvait facilement y voir la Voie lactée. Je réveillai donc Charles, qui dormait déjà depuis quelques minutes, pour qu’il profite à son tour de cette vue. C’était tout simplement surnaturel de voir ça de nos propres yeux. Bien au chaud dans nos vêtements Arc’teryx, nous retournions dans la tente dormir, prêts à affronter la journée du lendemain, l’ascension vers le camp 6.

C’est donc en regardant les étoiles une dernière fois que Charles et moi nous dirigeâmes vers la tente. Avant de m’endormir, je lui mentionnais que nous y étions presque, que la journée de demain allait être difficile certes, mais que l'arrivée au sommet allait être l’un des plus beaux moments de notre vie. Après de multiples sujets de conversation, incapable d’arrêter de rire dû à la fatigue, nous nous endormions au bruit du vent qui frappait la tente avec les mains proches de notre bouche afin de les réchauffer.

Jour 7 (Le Sommet)
Là, c’était moins drôle, il faisait extrêmement froid et pour une raison ou une autre, la seule chose à laquelle je pouvais penser, c’est la bonne soupe chaude que ma mère faisait à la maison au Canada. Charles et moi nous regardâmes, les yeux rouges de fatigue qui tentait de se convaincre de sortir de la tente. Peu à peu, nous enfilons notre casque, puis nous sortions de la tente pour aller rejoindre le groupe. Au loin, je pouvais voir Daniel, Vince et John, qui avaient déjà commencé leur ascension. Et puis, nous commencions à notre tour à monter, peu à peu, un pied devant l’autre à un rythme “Pole Pole”. Dans la noirceur, étant le seul sans lampe frontale, je me mis aux côtés de Charles et Jules, qui eux, en avaient chacun une. Quelques mètres plus haut, je sortis mon téléphone dont je m’étais promis de garder la batterie en cas d’urgence et ouvrit la lampe de poche afin de m’éclairer, c’était beaucoup mieux. La pente devenait de plus en plus raide, si raide que lorsque j’étirais ma main, je pouvais m’appuyer, je comprenais maintenant l’utilité du casque qui servait de protection des potentielles chutes de roches. Je savais très bien que le Kilimandjaro était une longue marche, mais je n’avais aucune idée que nous allions faire de l’escalade en pleine noirceur, à plus de 5000 mètres d’altitude, de l’adrénaline à l’état pur qui ajouta du piquant à cette dernière journée d’ascension. Toujours plus haut, toujours plus loin, le soleil se leva enfin, ce qui éclaira doucement la route. Plus bas, je pouvais voir notre groupe et les 50 porteurs à l’arrière, que Charles, Jules et moi avions dépassé depuis déjà un bon moment. Nous nous disions que c’était certain qu’ils nous voyaient puisque nous portions fièrement nos manteaux Arc’teryx qui reflétaient à la lumière. Nous nous sommes arrêtés, puis nous sommes retournés pour admirer la vue et les nuages qui étaient bien plus bas. À ce moment-là, les émotions ont commencé à m’emporter, cela faisait maintenant une semaine que nous montions la montagne et au loin, je pouvais voir l’ombre de celle-ci ainsi que le bout d’une autre montagne perçant les nuages, c’était le mont Méru, le deuxième sommet le plus haut d’Afrique.

C’était loin d’être facile et sans aucun doute la journée la plus difficile du périple. Cernés jusqu’aux oreilles, nous devions constamment utiliser nos jambes et nos bras pour continuer à monter. J’avais arrêté de parler depuis un bon moment afin de concentrer toute mon énergie sur ma respiration. Arrivés sur une grosse roche plate, nous nous sommes arrêtés quelques minutes le temps de prendre une gorgée d’eau et de manger une bouchée, puis repartions aussitôt pour ne pas tomber encore plus fatigué. Après 4h de montée verticale, à bout de souffle, épuisés, nous sommes arrivés au camp où nous allions dîner, qui se trouvait 125 mètres plus bas que la pancarte du sommet. Parmi les glaciers, seuls au monde, à plus de 5800 mètres, les porteurs et les guides montèrent les tentes rondes afin qu’on mange au chaud. Dès mon arrivée dans la tente, j’enlevai mon manteau Arc’teryx, m’assied sur une chaise et m'endormis aussitôt. Une trentaine de minutes plus tard, Hosea entra, ce qui me réveilla, pour nous dire qu’il fallait y aller. En ramassant quelques bouchées au milieu de la table, j’enfilai mon manteau, mis mon sac de caméra sur mon dos et sortis de la tente pour recommencer à monter. À cette altitude, la hauteur est trompeuse. Moi qui croyais que gravir 125 mètres allait être un jeu d’enfant, je m’étais fait avoir, car la montée de cette dernière pente était probablement la chose la plus difficile que j’ai jamais faite. Les oreilles qui font un bruit aigu et une pression à la tête insupportable, je continuai à mettre un pas devant l’autre ne sachant pas si mon corps allait pouvoir être capable de continuer. Puis, je suis arrivé en haut, sur le plat. Au loin, j'aperçois la fameuse pancarte du sommet du Kilimandjaro. Jules, Charles et moi nous mîmes à marcher ensemble, les yeux pleins d’eau, ne disant pas un mot.
Puis, nous y voilà enfin, sur le sommet le plus haut d’Afrique. Il n’y a qu’un mois, ce n'était qu’un rêve et cette journée-là, il s'était réalisé, comme quoi quand l’on veut, on peut. Au loin, j’aperçus mon ami Vince, celui qui, 4 jours plus tôt, était dans la tente au souper avec moi, me disant qu’il ne savait pas s’il allait atteindre le sommet, j’étais si fier de lui.
Sur les 11 personnes de notre groupe, 11 ont atteint le sommet. Tout le monde avait réussi !
Cette expédition n'aurait pas pu avoir lieu sans Arc’teryx, qui m’a fourni l’équipement de qualité supérieure afin d’arriver à mon objectif.
Parfois, je me demande pourquoi quelqu’un peut vouloir sortir de sa zone de confort, gravir des sommets, combattre les vents froids et marcher sur des jours et des kilomètres alors que d'autres s'épanouissent dans la simplicité de leur vie. Pour moi, la réponse à tout ça est simple, c’est le fait de se sentir vivant plus que jamais.
- Benjy

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